L’essor des applications de santé numériques remboursées en Allemagne : un modèle en pleine croissance

Une tendance innovante dans le paysage médico-social allemand
Depuis 2020, l’Allemagne connaît une croissance significative dans le domaine des applications de santé numériques, notamment grâce à un système de remboursement mis en place par les caisses d’assurance maladie. Avec actuellement 56 applications remboursées par la sécurité sociale, le pays se positionne comme un leader européen dans l’intégration des solutions digitales pour la gestion de diverses problématiques de santé, telles que la santé mentale, l’obésité ou le sevrage tabagique.
Les applications de santé numériques : des outils prescrits par les médecins
Nommées DiGA (pour « Digitale Gesundheitsanwendung » ou « application numérique de santé »), ces dispositifs couvrent un large éventail de besoins en santé et peuvent être prescrits par un professionnel médical, en général pour une période initiale de trois mois renouvelables. Au cours des cinq dernières années, plus d’un million d’ordonnances ont été délivrées par près de 60 % des médecins allemands, selon une étude menée par la Fédération des fabricants de soins numériques. Cependant, une majorité de praticiens, environ 75 %, semblent encore peu familiarisés avec ces outils numériques.
Usages quotidiens et avantages pour la prise en charge
Pour le Dr Johannes Patze, basé à Francfort, ces applications sont prescrites presque quotidiennement, en particulier pour la santé mentale, afin de pallier les délais d’attente pour une thérapie. Les DiGA proposent diverses fonctionnalités : informations médicales, suivi personnalisé, échanges en ligne avec des professionnels de santé, séances de méditation, ou encore notifications de soutien sanitaire. Leur accessibilité 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, constitue un atout majeur pour les patients.
Des enjeux financiers et un rapport coût-efficacité débattu
Le coût moyen d’une application pour une période de trois mois s’élève à environ 600 euros par patient, ce qui a conduit à un total de 234 millions d’euros remboursés par la sécurité sociale depuis 2020. La fédération du secteur critique ces tarifs jugés « excessifs » et dénonce un déficit de preuves concernant leur efficacité. Selon le Dr Patze, cependant, ces outils numériques pourraient permettre de réduire à long terme les coûts de santé en améliorant la prise en charge des patients. Henrik Matthies, expert en santé digitale, souligne que si cela représente un surcoût immédiat, cela pourrait aussi favoriser un retour plus rapide au travail et ainsi alléger le système de soins.
Une procédure d’autorisation accélérée dans un contexte conservateur
Le succès de ces applications repose aussi sur une procédure d’évaluation simplifiée : trois mois suffisent pour obtenir une autorisation provisoire d’un an, dans l’attente de preuves concrètes de leur efficacité clinique. Ce processus représente une avancée notable pour le système de santé allemand, connu pour sa bureaucratie structurée. Depuis 2020, 228 dossiers ont été déposés, dont 43 ont reçu une autorisation définitive, tandis que 13 autres sont en cours d’évaluation.
L’Allemagne, un laboratoire pour l’émergence de dispositifs similaires en Europe
Le modèle allemand sert aujourd’hui de référence pour d’autres pays européens comme la Belgique, le Royaume-Uni ou la France. Ces pays ont lancé des initiatives visant à développer des processus d’évaluation plus rapides. En France, la procédure « Pecan » instaurée en 2023 n’a permis l’obtention que de trois remboursements pour des dispositifs de télésurveillance, tandis que de nombreux autres projets mobiles se voient encore refuser leur inscription dans le dispositif de remboursement. Un accord récemment signé entre Berlin et Paris cherche à harmoniser ces démarches pour faciliter leur mise sur le marché en Europe.